La semaine prochaine se déroulera à Nantes les journées d’été du rassemblement des écologistes également dénommées « l’écologie à l’épreuve du pouvoir ». Depuis deux élections, Europe Écologie est la troisième force politique du pays au nombre d’électeurs ; ce parti oriente son message et se présente comme une troisième voie, une alternative au bipartisme et souhaite rassembler tous les écologistes.
Une alternative au bi-partisme ? Oui dans les discours, non dans les actes.
Ce sont, par exemple, les déclaration de Daniel Cohn Bendit lors du meeting du 8 mars 2010 à Strasbourg « Le député européen a répété qu’il voulait que les électeurs, en choisissant Europe Ecologie, « fassent bouger les lignes », « changent les vieilles logiques politiques » et « mettent fin à la bipolarisation de la scène politique ». Le 14 mars, explique-t-il, le bulletin de vote peut à la fois être « un vote d’opposition » à la politique de Nicolas Sarkozy et « un vote d’alternative » pour en « finir avec le statu quo » voulu par l’UMP comme le PS dans les régions. « Nous serons le contre- pouvoir que n’ont pas su devenir les autres » ; et aussi « Il faut en finir avec le bipartisme où rien ne change et renforcer ceux qui veulent le changement aujourd’hui dans les régions et demain, pour 2012 », insiste-t-il.
Des propos qui résonne positivement pour beaucoup de français et à tout sympathisant du Mouvement Démocrate. Sortir du bipartisme et du statu quo politique, faire bouger les lignes… que des propositions millésimées F.Bayrou_2007, coloriées en vert mais l’indépendance en moins.
Car dans le faits, Europe Écologie est le premier partenaire du Parti Socialiste depuis ses alliances aux régionales, j’ai déjà longuement évoqué l’inefficacité de cette stratégie en Pays de la Loire. Ici, l’écologie ou plutôt Europe Écologie est à l’épreuve du pouvoir, mis à l’épreuve par le pouvoir socialiste et force est de constater que l’écologie à gauche n’empêche pas le transfert de l’aéroport, ce gâchis financier, économique et écologique.
L’appropriation de ce discours maillé à une image positivement tendance (du sujet et des leaders) dans les médias a favorisé (entre autre) un transfert d’électorat du Modem vers Europe Écologie, sauf que le sympathisant engagé, le militant impliqué reste un citoyen voulant sortir de l’affrontement droite-gauche. Un article de Marianne l’explique très précisément et son titre ne permet pas d’équivoque (Edition du 15 au 21 mai 2010) :
L’adhérent à Europe Ecologie est un centriste ! L’électorat d’Europe Ecologie est connu. Il vit principalement en ville et est composé pour un bon tiers de cadres et de professions dites « intellectuelles ». Et le militant ? Il n’y en a pas ! se moquait-on, encore il y a peu, du côté des Verts. Mais ce nouvel « Homo ecologicus » existe. Le weed end dernier, il a débattu de l’avenir de la structure Europe Ecologie. Sociologiquement, il est proche de l’électeur type. Et politiquement ? Il a gouté à toutes les formations, mais en est revenu…Aujourd’hui, il est séduit par l’idée de » faire de la politique autrement » et, même s’il reconnait pencher du côté du PS plus que de l’UMP, il refuse le clivage droite-gauche jugé » dépassé « . En 2007, il lui est arrivé de choisir un bulletin Bayrou. En somme, le nouvel adhérent d’Europe Ecologie est un centriste qui ne dit pas son nom. Duflot et Placé, le gardiens de l’ancrage à gauche, ont du soucis à se faire… Gérald Andrieu
Le rassemblement des écologistes mais à gauche exclusivement, seule alternative ?
A écouter Jean Vincent Placé, numéro 2 des Verts, invité en début de mois de France Inter, les positions sont claires. Concernant le rassemblement de Nantes, il juge le travail sur le projet prioritaire à la convention de structuration. Selon lui, ce rassemblement (des écologistes) sera gagnant s’ il y a une réduction des « égo » (l’ambiance est bonne) ainsi que le développement du collectif, il ne doit pas y avoir de « leader maximo » et tout doit se fonder sur le projet et la stratégie. Et quelle est cette stratégie politique ? Le journaliste lui demande s’il craint en l’avenir avec une Europe Écologie plus proche du centre et les Verts très à gauche ? Non, il n’imagine l’écologie et le rassemblement qu’à gauche. Il juge nécessaire un seul leader écologiste en 2012 pour obtenir le pouvoir et changer les choses. Et d’ajouter que l’unité du rassemblement des écologistes est essentielle, essentielle pour les écologistes et aussi pour la gauche…car ils sont le pilier qui fait gagner.
A l’excellente question d’un auditeur qui s’interroge sur la possible exclusion d’électeurs sensibles à l’écologie mais qui ne se reconnaissent pas dans la gauche, notre « rassembleur » J.V. Placé d’expliquer que l’écologie est fondamentalement une idée de gauche, à gauche,(sic ?) en argumentant que la droite à sacrifier les promesses du Grenelle de l’environnement aux exigences des grands groupes industriels. Pour lui, l’écologie est anti libéral et anti capitaliste. Notre facteur de Neuilly est prévenu, les autres aussi.
Quelle vision d’avenir, développement durable ou décroissance ?
L’auditeur suivant rebondit sur cette réponse en demandant si en plaçant l’écologie à gauche et même à l’extrême gauche, cela veut dire que le mouvement unifié prônera la décroissance ? Ne lui restant que 45 secondes d’antenne, l’invité annonce habilement qu’il est pour la décroissance de l’automobile, du nucléaire et de l’agriculture industrielle…et que cette question sera débattu lors des prochaines conventions.
Que décidera Corinne Lepage pour Cap 21 lors de se rassemblement nantais ?
Car ce rassemblement de tous les écologistes mais à gauche avec peut-être une forte dose de décroissance, ce n’est pas tout à fait la vision et le projet de Corinne Lepage. Dans son discours de clôture de convention en mai dernier, même si elle accable encore F. Bayrou comme unique fautif de son départ du Modem (ce que je regrette mais peut-être , y avait-il un présidentiable de trop ?) , elle reste fidèle au projet en lui même.
L’espoir qu’avait suscité le MODEM, lors de sa création en 2007, était double :
Permettre à tous ces militants de venir en politique pour essayer de changer la et le politique. Offrir aux Français un projet alternatif qui ne soit ni celui d’une droite néolibérale, ni celui d’un socialisme devenu conservateur. Mon but aujourd’hui n’est pas de me tourner vers le passé pour regretter ou me féliciter que CAP 21 ait été un parti cofondateur du MODEM. Le constat d’échec est là et doit être reconnu comme tel. Certains ont oublié les engagements communs de 2007, au profit d’une stratégie purement personnelle de conquête du pouvoir. Cela ne signifie pas que le double espoir de 2007 doive être abandonné : changer la politique ; offrir aux Français un véritable projet alternatif
Et d’ajouter pour les possibles fiançailles nantaises, avec un peu de lucidité :
Mais, la coopération est une chose. La fusion en est une autre. Indépendamment du fait que rien ne laisse supposer aujourd’hui que les Verts souhaitent réellement l’arrivée de cap 21 en tant que tel dans Europe Ecologie, deux inconnues doivent être levées : la place idéologique et politique des Verts au sein d’Europe Ecologie et l’autonomie d’Europe Ecologie à l’égard du parti socialiste. Tant que ces 2 inconnues subsistent, il n’est pas possible pour nous d’envisager plus qu’une coopération sur le fond des sujets dans le cadre des coopératives régionales lancées par Daniel Cohn-Bendit. Nous jouerons pleinement le jeu de ces discussions de fond avec nos amis d’Europe Ecologie dans le cas des coopératives régionales comme nous avons du reste commencé à le faire. Le débat est ouvert mais la balle n’est seulement pas dans notre camp.
Il me semble, en effet, qu’il sera difficile pour CAP 21 de bousculer les Verts dogmatiques d’extrême gauche et j’imagine mal comment, en devenant un courant des écologistes – à gauche uniquement – lui même sous produits de la gauche tenu par le PS, changer la et le politique ? Et puis le choix programatique à venir, (décroissance et à quelle dose ?), posera problème à la lecture de ces propos.
La croissance du 20ème siècle est intenable, la décroissance comme une abstinence forcée est ingérable. Et je le dis humblement, ce n’est pas seul que nous inventerons ce nouveaux modèles car il ne peut vivre que s’il est construit démocratiquement compris et porté par tous.
Comment, dans ces conditions, construire un alternative et une alternance avec une partie des écologistes qui refusent de s’ouvrir hors de la gauche, qui chérissent encore les souvenirs communistes, qui refusent le scrutin proportionnel proposé par CAP21 (et le Modem) sous prétexte d’ouvrir la voie au FN, qui rejettent toute idées de réindustrialisation du pays sous couvert d’économie malthusienne, comment concilier dans la pratique (car c’est aisé dans un discours) le « développement soutenable » de C.Lepage et décroissance des Verts radicaux ?
Je m’interroge à la lecture du programme (très riche) de ce rassemblement sur le sens du projet définitif quand un atelier s’intitule : »Transformation écologique des entreprises : quelles performances et quelles gouvernances ? » et un autre atelier à comme sujet : « L’industrie des déchets n’a pas d’avenir. » Et quelle discours aura Corinne Lepage invitée des plénières : quels partenaires pour quel projet ? ou Croissance Verte ou décroissance ? qui nous allèche avec ce préambule un peu orienté…
« A droite comme à gauche, parfois même au sein de l’écologie politique, le retour de la « croissance », désormais qualifiée de « verte », est l’axiome fondamental d’une sortie de la « crise ». La réalité écologique et géologique ne nous indique-t-elle pas, au contraire, que la décroissance est inéluctable, et qu’il vaut mieux s’y préparer politiquement : choisir plutôt que subir.
Cette question de l’union des écologistes a été posé en juin par un ancien secrétaire national des Verts, Jean Luc Benhamias, lors du Forum des Etats généraux du renouveau, et je partage son scepticisme et son analyse d’opter pour des actions communes en fonction des sujets sans besoin de rassemblement, sans dogme et sectarisme :
«Jamais l’ensemble des groupes écolos ne se rassembleront ! ». Pourquoi ? Parce qu’il y a en leur sein des divergences de fond: certains s’opposent aux lignes à grande vitesse (tout en étant contre l’aérien), d’autres sont contre l’éolien… « Il y a des conservateurs partout! ». D’autres encore seraient prêts à enjamber la démocratie pour imposer des décisions au nom de l’urgence environnementale…
L’écologie peut-elle être, seule, une politique d’avenir ?
L’écologie politique, c’est maintenant le refrain entonné par Cécile Duflot et les Verts. Petit rappel théorique, l’écologie politique c’est permettre la prise en compte des intérêts environnementaux dans les décisions politiques en diffusant les pratiques scientifiques issues de l’étude des relations des êtres vivants avec leur milieu. C’est important, c’est en bonne voie et c’est tant mieux mais cela ne peut, à mon sens, devenir une politique, une finalité, une centralité de projet. C’est un élément incontournable d’un projet, sans aucun doute, (et cela grâce aux actions passées des écologistes) mais cela reste un moyen au service d’une vision nouvelle qui n’est pas la décroissance mais une nouvelle façon d’aborder et d’alimenter la croissance. Attention à la bascule d’une société d’hyperconsommation à une société décroissante d’échanges restreints ; passer d’un extrême à l’autre n’est jamais bon. De plus, quand on à beaucoup, il est aisé de décréter qu’il faut se priver de telle ou telle chose mais ceux qui ont peu, aspirent toujours à plus et mieux.
Nous, démocrates, refusons cette idée selon laquelle il faudrait donner raison à la nature seulement et l’opposer au développement humain. Pour nous démocrates, porteurs du projet humaniste, nous y intégrons pleinement les composantes du développement durable, l’économique, le social et l’écologique, c’est une écologie positive. Nous mettons le développement humain comme finalité de projet et nous plaçons l’homme au centre de chaque question de société. L’homme est partie prenante de la nature, il ne peut vivre hors d’elle ni sans elle, la protection de notre environnement naturel est donc un moyen incontournable de toute politique mais un moyen. Avec des actions comme le développement ambitieux des énergies renouvelables, les efforts de recherches dans ce sens, l’élévation progressive des normes techniques d’efficience énergétique et de performance environnementale, (notamment dans le bâtiment ou le transport), une fiscalité réorientée pour susciter chez chaque acteur des comportements plus éco-responsables.
Quel grand rassemblement alors et pourquoi ?
Comme le dit Jean François Kahn, un grand rassemblement pour une alternance ET une alternative.
Un grand rassemblement à la base, oui. Le plus large possible, oui, et fédérant effectivement tous ceux qui aspirent à l’élaboration pluraliste d’un autre modèle de société que celui que nous impose la logique néocapitaliste, sans pour autant se réapproprier l’ancien modèle pan étatique qui a tragiquement échoué. Ceux qui excluent de telles convergences sont, en réalité, les partisans du statu quo au sein duquel ils ne souhaitent que conforter leur statut : surtout ne pas prendre le risque d’être bousculé par un changement effectif.
Notre attitude politique de démocrates, de « centristes » se considère comme compatible, en termes de réflexion partagée, avec les autres grands courants du champ républicain et démocratique français sans se faire enfermer dans cette « dictature » du gauche-droite. Nous sommes indépendants (et pas les seuls) et ouverts pour construire cette alternative tend attendue mais chacun avec ses spécificités et ses spécialités ; dans une démocratie pluraliste. Construire une alternative, non pour repartir en arrière, ou à droite ou à gauche mais pour aller de l’avant.
Philippe FINTONI
Merci de nous avoir signalé cette itw de JV Placé (j’étais en vacances) qui vaut son pesant de cacahuètes, en effet !
Je partage cette réflexion !