Subordonner l’économie au politique.

 » Il s’agit de trouver le moyen de subordonner l’économie au politique. »

bourse

C’est la conclusion de l’éditorial de Ouest France (ouvert à Dick Oward, auteur de Aux origines de la pensée politique américaine – Pluriel) et en lisant ce texte, j’ai repensé à l’analyse de l’économie actuelle faite par Jean Claude Guillebaud (La force de conviction, A quoi pouvons-nous croire ? – Points) dans un chapitre intitulé : L’économie saisie par le cléricalisme. Tout d’abord, il révèle que le discours néolibéral est très proche de la vulgate communiste et « les principaux articles de foi » se retrouvent dans ces deux doctrines. Est-ce un élément qui explique l’accord signé entre l’UMP et le Parti Communiste Chinois ?

Voici donc, pour l’auteur, les 7  croyances de l’évangile néolibéral :

1 – Le premier postulat est que l’économie prime sur le politique, que la logique de marché l’emporte sur la démocratie. Le problème n’est pas d’accorder une certaine importance à l’économie, c’est de lui conférer un rôle de surdétermination, d’en faire une loi première. L’homo- oeconomicus est posé comme la clef évidente de l’explication de la totalité des phénomènes humains, c’est une renonciation à penser la complexité humaine.

2 – La deuxième croyance est la prétention à la scientificité. L’économie est une science, ceux qui la contestent et qui contestent les choix actuels sont dans la déraison, de plus le marché est un processus naturel comme l’est le phénomène des marées.

3 – Troisième croyance jumelle : celle qui consiste à reporter inlassablement au lendemain les résultats bénéfiques. L’avenir radieux et le bonheur nous est promis par les tenants de la dérégulation et de la privatisation planétaire. La société néolibérale globalisée est évoqué comme la future cité heureuse offerte aux individus quand ils seront délivrés de l’Etat parasite et du fisc.

4 – Cette quatrième croyance est elle aussi d’actualité si je puis dire, car c‘est l’indifférence à l’égard des faits, la capacité de résister aux leçons du réel. Ne trouvez vous pas que nos savants économistes médiatiques semblent loin de l’ampleur de la crise et des conséquences ? Les théoriciens libéraux répètent à peu près la même chose : si les résultats attendus des politiques de dérégulation et de privatisation ne sont pas au rendez-vous, c’est parce qu’on n’a pas assez dérégulé et privatisé. La vérification de cette loi/croyance est sans cesse renvoyée vers le futur, c’est une échappatoire. J’ai eu l’occasion de tester cette loi lors d’une longue discussion animée avec un « copain ultra libéral  » et en fin de débat, acculé, il a pratiqué le déni de réalité et exprimé cette attente de dérégulation totale pour, enfin, retrouver de la croissance et résoudre tous les problèmes !

5 – La cinquième croyance est donc la suite logique du point précédent. Un néolibéral qui fait face à un contradicteur qui s’appuie sur les faits, prendra une posture de suffisance, de dédain, d’agacement. Comment peut-on et ose-t-on remettre en cause ma croyance , que le chômage, la pauvreté ou les inégalités sont la conséquence des excès de réglementation et de rigidité ?

6 – Le sixième croyance, d’essence religieuse, c’est le fait d’attribuer à une minorité d’avant garde la tâche d’éclairer la route, de conduire les masses vers leur propre bonheur. Les élites sont censées jouer ce rôle, car elles seules sont informées, savent…En conséquence de quoi, celui qui exprime un point de vue différent n’est pas dans le débat, comme c’est la règle en démocratie, mais dans la faute moral de quelqu’un qui ose s’opposer aux experts, il sera traité de « populiste ».

7 – Cette  septième et dernière loi c’est l’appel inlassable au changement, à la transformation, faire table rase du passé et donc en finir avec la solidarité collective, les protections sociales, les institutions encadrant l’individu et donnant sens à la vie…

Subordonner l’économie au politique et si possible à une politique humaniste, ce sera un de nos axes d’actions…dans les prochaines années,

Philippe FINTONI

Cette entrée a été publiée dans Conseils de lectures, Démocratie, Economie, Humanisme, Politique Contemporaine, Pratiques politiques, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , , . Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Subordonner l’économie au politique.

  1. christian dit :

    Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que l’interaction économie et politique doit faire l’objet d’une autre réflexion que celle servie jusqu’à présent : il ne fait pas de doute que dans le système néolibéral que nous connaissons et qui a mené à la crise, les puissance politiques des Etats ont été mises au service du Marché, je ne suis pas loin de penser qu’il serait pretentieux de vouloir subordonner l’economique au politique, il suffirait que le politique assure son indépendance sur des bases démocratiques solides , des orientations sociétales prioritaires définies par le peuple et pour le peuple . cela necessite , non pas de devenir des entrepreneurs , mais des penseurs du sens de la marche de l’humanité et de s’y tenir. Seule la force tranquille du peuple convaincu de ses priorités pourraient soumettre une économie à des principes de vie moins destructeurs

  2. harwald dit :

    Merci pour cette très juste analyse qui éclaire bien cette idéologie qui nous conduit dans un écueil toujours plus profond.

  3. Mamouchka dit :

    « Principaux articles de FOIS » …! FOI…C’est le lapsus d’un économiste ?!

    Pour le déni, je garde un souvenir amers à la suite d’un article du Monde Magasine dans lequel un « éminent professeur » de Harvard (près de Boston USA) considérait (alors que son école avait formé « l’élite désastreuse ») qu’il allait sauver le monde avec la prochaine promotion…
    Il va falloir exiger les semelles de plomb pour ramener sur terre ces « têtes creuses »…

    Mamouchka.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *